Dans le giron de la société « Les Moulins du Val-Dieu »
Depuis au moins 3 générations le Moulin de Gulpermeule (près du carrefour de La Bach à Hombourg) était exploité par la famille Meyers. Ce furent Guillaume Meyers, puis Guy Meyers et enfin Philippe Meyers.
Le moulin vient de changer de mains à l’automne.
1. Le Moulin de Gulpermeule sous l’ancien régime
Ce moulin anciennement à aube , c à d avec une grande roue alimentée par la Gulpe pour moudre le grain, est cependant beaucoup plus ancien puisque déjà attesté en 1749 car il apparait sur la carte du Chevalier de Soupire ci-dessous (la première ci-dessous). On y remarque aussi la présence des étangs en amont du moulin, certainement destinés à la fois à se prémunir contre des inondations (bassin d’orage) mais aussi pour avoir une réserve d’eau afin de faire tourner l’aube lorsque le débit de la Gulpe est trop faible en été.
Sur la carte du Comte de Ferraris 1777, (la 2ème ci-dessus) le moulin apparait aussi avec la mention « Gulp Meulen »
Sous l’Ancien régime, il avait plus que probablement fonction de moulin banal de la seigneurie de Vieljaeren (tandis que l’autre ancien moulin de la vallée de la Gulpe, le moulin de Médael est présumé avoir eu cette fonction pour la seigneurie de Berlieren). Le moulin banal était fourni par le seigneur du lieu avec obligation d’y moudre le grain produit sur le territoire de la seigneurie et moyennant taxes et redevances au seigneur.
Ce système féodal a été aboli à l’arrivée du régime français (1794) mais l’activité au moulin a évidemment perduré par la suite puisque les moulins assuraient l’approvisionnement en pain via les céréales moulues.
2. Plusieurs générations de Meyers
A l’époque de Guillaume Meyers (première moitié du XXème siècle, le moulin de Gulpermeule avait une double fonction, celle de moulin à farine pour la boulangerie et celle de moulin à farine pour la nourriture animale (surtout les élevages de porcs nourris à la farine animale). Le 3ème moulin de Hombourg à la rue de la Station (ancien Moulin Bruwier, devenu Carnipor puis Dumoulin) est apparu avec l’arrivée du chemin de fer (1895) et n’a jamais été un moulin à aube. Il s’est spécialisé comme celui de Médael dans la farine à destination animale.
Par contre, le Moulin Meyers a été amené à choisir dans la seconde moitié du XXème siècle entre la farine animale et la farine à destination boulangère car il n’était plus possible de réaliser les deux dans la même meunerie et il a opté pour la fonction boulangère, devenant ainsi l’une des rares meuneries boulangères en Belgique
Il faut savoir que le froment panifiable est beaucoup plus difficile à produire que le froment à vocation fourragère.
Certaines années, oui, sans problèmes, tout froment peut être panifiable mais pas chaque année. Quand il pleut à la moisson, que tes grains germent, que des grains sont victime de fusariose, il n’est plus valable pour faire du pain. En fait, il faut avoir assez de soleil pour avoir assez de protéines dans la farine. Les agriculteurs sèment des froments fourragers et des froments panifiables mais, un an sur trois, on ne dispose pas de froment répondant aux critères panifiables: aux analyses, ils ne sont pas valables et ils vont alors tous dans la filière fourragère. Cette différenciation entre céréales assignées à la panification et céréales pour l’alimentation animale se base sur trois critères : le taux de protéines, qui est le critère prépondérant, le test de panification et l’indice de Zéleny. Ces critères historiquement utilisés en conventionnel se sont étendus à la filière biologique. En Belgique, la majorité (75% de la farine panifiable belge) des céréales panifiables sont moulues en Flandre et seulement 8% du blé panifiable wallon est moulu en Wallonie dans une vingtaine de meuneries boulangères de tailles différentes. (1) La concurrence du blé panifiable d’Europe de l’Est est rude.
De façon générale, les minoteries industrielles utilisent pour moudre des cylindres métalliques et les moulins plus artisanaux des pierres (meules) . La différence de rentabilité a été à l’origine d’une forte diminution des meules de pierre au cours du 20ème siècle mais la technique connaît un renouveau ces dernières années.(1)
Les normes de l’AFSCA ont cependant joué un grand rôle dans l’orientation industrielle des meuneries boulangères.
Le Moulin Meyers a affronté une grave inondation le 28 juillet 2012 et malgré les indemnisations il a été depuis lors soumis à des problèmes financiers récurrents liés également à la perte de clientèle.
Arrivé à l’âge de 55 ans et n’ayant pas de successeur pour reprendre le Moulin familial , son propriétaire actuel, Philippe Meyers a trouvé une opportunité régionale pour assurer la pérennité de cette activité meunière sur le site de Gulpermeule
A.S.
3. Nouveau départ pour le moulin: l’agriculture locale au centre du projet
« La société « Les Moulins du Val-Dieu » annonce la reprise du Moulin de Hombourg (Moulin Meyers) par une toute nouvelle société baptisée « Les Moulins du Val Dieu ». A la tête de cette aventure, quatre passionnés par l’agriculture et l’alimentation qui sont aussi meuniers : Philippe Van Lathem, Benoit Tyberghein, Christian Hick et Benoit Brouwers. Ensemble, ils ont décidé de développer un des derniers moulins artisanaux de Wallonie en produisant une farine hautement qualitative, en circuits courts, issue de l’agriculture raisonnée. »
(2) F.P.
Le Moulin Meyers à la RTBF
SÉQUENCE RTBF de Philippe COLLETTE (3)
Le Moulin de Gulpermeule (Photo RTBF)
Le Moulin Meyers à Hombourg, village de la commune de Plombières, l’un des deux moulins de grosse production de Wallonie avec les Moulins de Statte, vient de changer de main : le propriétaire Philippe Meyers a décidé de cesser son activité en proie à de sérieuses difficultés financières.
Il n’y eut au départ que peu d’intérêt pour la reprise, mais voici quelques semaines, quatre investisseurs issus du sérail agricole ont franchi le pas en créant une nouvelle Société à Responsabilité Limitée (SRL) qui devrait assurer la pérennité du Moulin: les trois patrons de la Meunerie du Moulin du Val Dieu, qui produit de la nourriture pour le bétail, et un quatrième homme d’affaires, actionnaire actif et expérimenté dans les activités agricoles. Ensemble, ils ont relancé la meunerie qui vivotait tant sur le plan financier que commercial, le Moulin ayant perdu bon nombre de ses clients. » Les Moulins du Val Dieu » est la nouvelle appellation du site hombourgeois, moulins au pluriel pour faire allusion aux douze moulins installés en série qui traitent les matières premières achetées aux producteurs. Le Moulin a donc été sauvé et entame ainsi une nouvelle vie selon un modèle assez différent du précédent, axé sur un véritable partenariat avec les agriculteurs locaux » (3)
Photo RTBF Le meunier Francis Loozen est heureux de la reprise de « son » moulin (3)
« Une passion plus qu’un métier » :
L’homme qui est sans doute le plus heureux de la reprise est le meunier « historique » du Moulin : Francis Loozen, est aux machines depuis bientôt 34 ans et il a eu très peur de perdre son emploi en assistant à une forme de déliquescence de l’activité : « Ce n’est pas un métier, c’est devenu une passion, assène-t-il, tellement le travail est varié, on est toujours à la recherche de nouveaux produits ; j’étais inquiet de voir l’affaire mal en point et cette reprise me réjouit car après autant d’années, voir du jour au lendemain un outil s’arrêter, ça aurait été difficile ; c’est même une satisfaction personnelle de voir la continuité qui a été annoncée pour le Moulin. » (3)
Francis Loozen n’est donc pas près de quitter les différentes salles réparties sur quatre étages de l’imposante meunerie, visible de loin quand on se dirige vers Hombourg. Un outil par ailleurs de qualité, repris tel quel par les nouveaux actionnaires : » c’est un outil qui a été bien pensé, explique Benoît Tybergein, actionnaire en charge de la production ; il va nous permettre d’évoluer dans la quantité de farine produite sans grand investissement. A moyen terme, on va agrandir l’outil pour augmenter la production mais aussi pour faciliter la production de mélanges de farine blanche avec des graines de sésame, de lin, de millet, etc. dans des processus plus simples et automatisés en partie alors qu’actuellement, les opérations de mélanges de graines sont manuelles. » (3)
« Nous formulons nos besoins aux agriculteurs »
Les projets de modernisation de l’outil sont donc bien clairs dans la tête des nouveaux patrons de l’entreprise tout comme le modèle de fonctionnement avec leurs fournisseurs de blé et autres céréales, autrement dit les agriculteurs, modèle basé sur un recentrage régional. Ceux-ci ne seront plus considérés comme de « simples » fournisseurs de la meunerie, mais bien comme de véritables partenaires. La nouvelle direction inverse en réalité le processus : c’est le Moulin qui va vers l’agriculteur et non l’inverse : » on a désormais une relation avec les agriculteurs à qui on demande de travailler avec nous sur certaines variétés, explique Benoît Brouwers, actionnaire en charge de la commercialisation ; on a vraiment un échange constructif avec eux sur les variétés dont nous avons besoin pour fabriquer une farine boulangère de qualité sans additif ; l’aspect humain est ici très important. Tous les quatre, on est du milieu agricole, on aime les agriculteurs et on avait un réseau ; avec ce modèle, ça les rend fiers de savoir pour qui ils travaillent. Ils peuvent ainsi retrouver leurs produits chez les boulangers, près de chez eux, et le boulanger peut aussi connaître l’agriculteur à l’origine de ses pains. » (3)
« 4.000 tonnes de farine par an »
Depuis la reprise, les nouveaux « Moulins du Val Dieu » ont déjà redressé la barre en récupérant bon nombre de clients et la production a retrouvé son rythme de croisière : » Le Moulin produit habituellement 4.000 à 4.500 tonnes de farine par an, annonce Benoît Tybergein ; une grosse moitié de la production est de la farine blanche ; les grains passent par 12 moulins avec des serrages de rouleaux différents qui mènent à une farine de plus en plus pure ; la finesse de la farine est améliorée à chaque passage de rouleau. »
Photo RTBF : L’outil a été repris tel quel et ne nécessite pas de lourds investissements immédiats (3)
Les repreneurs tiennent aussi à proposer des produits proches du bio : » on veut arriver à court terme à zéro résidu dans les grains en travaillant sur une lutte intégrée en culture aussi, avec du non-labour et sans insecticide pour arriver à des intrants chimiques amoindris au maximum. » (3)
L’absence de produit chimique est même poussée à l’extrême: depuis peu, aucun produit chimique n’est utilisé pour nettoyer les différents lieux de production: » pour lutter contre les insectes, poursuit Benoît Tybergein, ce qui est le premier problème dans un moulin, on a installé une aspiration de tout le site et on travaille avec des mini-guêpes qui mangent les œufs des mites de farine en partenariat avec la société spécialisée Armosa. » (3)
Des projets, de la modernité, un nouveau modèle, les Moulins du Val Dieu ont pris un nouveau départ : les mains et les vêtements du meunier Francis Loozen seront encore longtemps blanchis de farine. (3) Ph.C.
Les 4 repreneurs photographiés par La Meuse Verviers (édition du 23.11.2020)
Sources:
(1) Source pour la technique de meunerie : https://www.iew-test.be/wp-content/uploads/2016/06/cc_filierecmb.pdf
(2) article de Françoise Peiffer dans « La Meuse Verviers » du 23.11.2020.
(3) RTBF Philippe Collette: https://www.rtbf.be/info/regions/liege/detail_nouveau-depart-pour-le-moulin-meyers-de-hombourg-l-agriculture-locale-au-centre-du-projet?id=10640325